Happy to be in the EU? Not so sure …

Posted on Juil 7, 2008 in Bucarest, Expédition 2008, Roumanie

Samedi soir à La Motoare, un des cafés les plus branchés de la capitale, un groupe de jeunes discute. Parmi eux Vlad et Oana. Vlad étudie l’architecture, Oana, l’art. Quel regard portent-ils sur l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne ?

Café Deko

Européens, ils le sont, sans aucun doute. Pour eux, la Roumanie a sa place en Europe, par sa culture, par son histoire, par son emplacement géographique … Pourtant, il leur manque une chose, et pas des moindres : le sentiment d’être accepté dans cette communauté qu’est l’Union européenne. «Nous voulons être vus comme des européens», explique Oana. «En tant que touristes, il n’y a pas de problème, mais dès que nous venons pour étudier, travailler et vivre, nous sommes regardés comme des moins que rien», explique-t-elle d’un air dépité. «Nous nous sentons comme les «Noirs» de l’Europe», explique Oana dans une comparaison avec les Etats-Unis des années soixante.

Ces jeunes sont déçus. Depuis l’entrée dans l’Union, ils ont le sentiment que les prix ont augmenté alors que les salaires non, ou très peu. Des entreprises européennes viennent s’installer mais ne leur offrent pas un salaire à la hauteur de leurs qualifications. Vlad, qui travaille dans l’une d’elles, me raconte qu’il est payé deux fois moins qu’un expatrié. Et pour le même boulot. Optimiste, j’avance que cela changera. Moue dubitative et mouvement de négation : eux n’en croient pas un mot.

Et moi qui pensais que la Roumanie avait au moins pour elle des avantages financiers : les fonds structurels, dont les régions roumaines vont beaucoup bénéficier, et la PAC – politique agricole commune. Mais eux m’expliquent que les financements et les normes européennes ont aussi leurs aspects négatifs. En particulier, qu’elles détruisent certaines productions traditionnelles. Il est vrai que ce problème s’est aussi posé pour les fromages français… Frustrés, ces jeunes considèrent que leur pays a très peu négocié son entrée dans l’Union, que tout a été cédé.

Quand nous nous quittons, la nuit est déjà bien avancée. Une seule chose est sure, je ne m’attendais pas à un regard si amer sur l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne.

Jessica

2 Comments

  1. Bien écrit l’article, Jess! J’espère que vous passez une bonne expédition en Roumanie. Bon, le point de vu de Oana et Vlad est, selon moi, assez typique et « tragique » mais les choses ne sont pas vraiment comme ça et je crois qu’il dépende aussi de Roumains de pas être « les noirs » de l’Europe dans le sens ou ils doivent renoncer a leurs propres frustrations « balkaniques ».

    Je vous souhaite une bonne continuation du voyage et surtout ne ratez pas la Transylvanie, la ville de Sibiu, le Brasov etc

  2. Jessica,
    Je me permets de préciser un peu ton article sur le plan économique. Autant le début de ton article reflète bien le sentiment général des Roumains quant à leur adhésion à l’Union Européenne, à savoir qu’ils ont un peu l’impression d’être entrés dans l’Europe par « une porte dérobée », autant je suis beaucoup moins d’accord sur la suite de l’article qui témoigne d’un point de vue local très subjectif.
    Certes les prix ont augmenté depuis le 1er janvier 2007, l’inflation tourne autour de 8% en Roumanie actuellement mais tous les pays de la zone Europe sont frappés par le retour de l’inflation. Et cette inflation apparaît d’autant plus impressionnante que l’on part de prix beaucoup plus bas que la moyenne européenne. L’inflation la plus impressionnante a eu lieu dans l’immobilier (particulièrement a Bucarest) mais n’a frappé principalement que les jeunes, les primo accédants et les foyers à faibles revenus car une grosse partie de la population est devenue propriétaire suite à la rétrocession des logements lors de la chute du communisme.
    Mais il faut savoir qu’en même temps les salaires augmentent de 20 à 25% par an selon les statistiques officielles (www.insse.ro) et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg (une grosse partie des revenus n’étant pas déclarée). Bucarest connaît même en ce moment une bulle inflationniste sur les salaires du fait d’une situation de quasi plein emploi (moins de 2% de chômage à Bucarest) et de la pression exercée par les entreprises étrangères obligées de mettre la main au porte-monnaie pour attirer et/ou conserver une main d’œuvre qualifiée qui fait cruellement défaut suite à l’émigration massive de l’élite roumaine vers des pays ou l’on rémunère mieux leurs compétences. La situation est aussi tendue dans les secteurs en forte croissance comme le bâtiment qui font face à de gros déficits de main d’œuvre.
    Il n’est ainsi aujourd’hui pas rare de voir des jeunes diplômés sans aucune expérience demander des salaires exorbitants à l’embauche pour finalement partir 6 mois après dans une autre entreprise qui leur offre une revalorisation salariale conséquente.
    La résultante de cette situation est que la Roumanie, qui a fondé principalement sa croissance sur l’afflux de capitaux étrangers du fait du faible coût de la main d’œuvre, doit faire face à un nouveau défi car, en ce moment, les salaires croissent plus vite que la productivité qui reste encore l’une des plus faibles d’Europe.
    Déjà, certaines entreprises commencent à reconsidérer leurs investissements pour privilégier des pays qui se trouvent toujours plus à l’Est et principalement en Asie.

    Bon voyage à Iasi et dans les Maramures!