Nous arrivons à Thessalonique, après 7 heures de route. Aspasia, notre contact, nous conseille une auberge de jeunesse : « Je vous préviens, elle est sale! » nous dit-elle au téléphone. Nous ne savons pas à quoi nous attendre, mais étant fatigués, nous n’allons pas faire les difficiles.
A peine entrons-nous que nous sommes ébahis par la décoration et les peintures qui ornent les murs: des gravures et des statues exposées un peu partout représentent des héros, des dieux de la mythologie grecque, des angelots et autres personnages abracadabrants, le tout peint avec des couleurs vives, quoiqu’un peu ternies par le temps: rose bonbon, bleu fade, jaune pétant, blanc cassé, rouge sale.
A l’entrée, un homme d’environ 80 ans nous accueille sourire aux lèvres et regard vif: « Bonjour! » s’exclame-t-il. Il parle et comprend en effet bien le français. Cet étonnant monsieur dans ce décor très kitsch, nous sommes ravis.
Nous passons à la visite d’une chambre, petite, avec balcon, pleine d’objets insolites; nous l’aurions bien prise, mais un des lits, double selon notre hôte, est à peine plus grand qu’un lit simple… or nous sommes quatre, et pas de couple! Il nous propose donc une autre chambre, trois étages plus haut.
Canapé lit, deux lits simples, une table au milieu de la pièce, une cabinet de douche et toilette d’un mètre carré, un décor encore plus ahurissant que la précédente : un plafond couleur ciel traversé par un ange, une étoile de mer, un croissant de lune, un soleil, un bateau, un oiseau et une étrange fusée sortie de nulle part… Mais surtout, la touche décisive, cette chambre est perchée sur un toit-terrasse, offrant une vue sans pareille sur la ville. On prend!
Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises: le vieil homme nous explique absolument tout le fonctionnement de ce que contient la pièce, sans oublier un tableau qui, lorsqu’on le branche, s’éclaire pour afficher une cascade en mouvement sur fond de chants d’oiseaux…! Nous nous retenons de rire, surtout lorsque le brave homme, avant de nous quitter, nous invite à le laisser allumé.
Chaque jour nous remarquons un détail en montant à notre nid: un pot de fausses fleurs cassé (elles sont partout!), des petites maisonnettes en plastique à chaque étage, toutes vides (il y en a trois), des coussins en voie de moisissure, des journaux jaunis pas les années… la liste est longue et les objets tous recouverts de poussières.
Ce lieu, surprenant par son atmosphère, le devient plus encore lorsqu’Aspasia nous apprend son histoire: cette auberge était anciennement une maison de passe! Au moment de régler notre court séjour, le monsieur nous raconte qu’il est à l’origine de la décoration, que ses parents habitaient la maison et que lui-même y est né. Bien sûr, loin de nous l’idée de semer le doute quant aux origines de cet homme. Ces détails ajoutent juste de quoi pimenter l’anecdote!
La veille de notre départ, nous avons rencontré au cours d’une petite fête les habitants de ce lieu sans égal. Nous leur avons appris l’histoire, en espérant qu’ils la perpétuent…
Ariane Julien