Entrer dans Bucarest

Posted on Juil 4, 2008 in Bucarest, Expédition 2008, Roumanie

Arriver dans une ville nouvelle est une expérience étrange. Il y a des odeurs, des sons, des couleurs qui lui sont propres : la ville offre au voyageur un premier visage, une surface étrange et énigmatique que l’homme tout juste arrivé se doit de déchiffrer. Excitation des premiers jours.

Que voit-on justement, lorsqu’on arrive à Bucarest ? L’espace, d’abord. Grandes rues, places immenses… Champs d’asphalte fatigués, supports d’une circulation intense. L’espace des rues rapidement réduit par la densité étouffante du trafic. Un espace qui ne respire pas, mouvement asphyxié mais mouvement quand même : premier paradoxe.

Et puis des façades qui nous rappellent à un passé faste. Mais ce temps semble avoir été laissé là, comme un souvenir toujours présent qu’on ne veut pourtant pas se remémorer. La pierre desquame, s’effrite. Adossés aux façades chargées, marquées par la sensibilité ronde, presque pulpeuse de la fin du XIXe siècle, s’adossent en voisins fatigués les immeubles solides, imposants et droits de la période communiste. Rien n’aurait-il changé depuis ? Non, comme une évolution adolescente, la ville se fait dysharmonique. Au sommeil profond d’une grandeur disparue, s’opposent, comme la provocation d’un modernisme effréné, l’acier et le verre rigides et froids des bâtiments nouveaux : deuxième paradoxe. Mort lente d’une civilisation qui ne veut pas se rappeler ou appel à la mue ?

Le boulevard Dacia s’allonge sous nos pieds fatigués par le voyage et le poids des sacs et continue de nourrir nos yeux perplexes ; Bucarest n’est pas à une contradiction prête. Sur le bitume brûlant et usé, berlines et petites sportives allemandes se partagent le territoire. Le chant métallique des cylindres neufs, en contre temps avec la peau fatiguée de la ville, rappelle à ceux qui en doutaient encore que Bucarest est une capitale européenne où la consommation et le faste du confort « à l’occidental » semblent être la partie la plus visible de cette identité européenne.

Stanislas