2 jours, 3 heures et 4 minutes*… dans un hôpital roumain

Posted on Août 6, 2008 in Expédition 2008, Roumanie, Sibiu

Tout a commencé par des douleurs au ventre. La nourriture, le stress, voire une belle gastro, pas de quoi s’inquiéter. J’étais loin d’imaginer ce qui m’attendait…

Dimanche 29 août

12h30 : L’arrivée aux urgences de Sibiu

L’attente est raisonnable et je me retrouve rapidement en compagnie d’Anda (une partenaire roumaine) dans une grande salle où les consultations s’enchainent, derrière de simples rideaux bleus, d’où s’échappent les gémissements et l’intimité des gens. Echographie, prise de sang, dans un premier temps la batterie d’examens ne laisse supposer qu’une gastro ou des problèmes aux ovaires. En attendant les résultats de la prise de sang, je tente de me reposer en oubliant la douleur, sur une des tables de consultation. Les heures ne passent pas vite. Ne parvenant à dormir, j’ai le temps d’observer ce qui m’entoure. Le matériel me semble désuet, le manque de propreté évidant, rien de choquant mais rien de rassurant non plus.

17h30 : Le verdict

L’analyse de sang a révélé une appendicite, voire une péritonite. Anda connaît des bons médecins à l’hôpital de Cluj mais il faut 2 heures de route pour y aller, «à mes risques et périls» déclare le chirurgien.

19h00 : L’opération

L’équipe est souriante, une jeune étudiante parle même un peu français. «Tu ne dois pas bouger, c’est important, c’est très important». Assise sur la table d’opération, face aux vieilles boites à outils métalliques, je me cramponne pour endurer la péridurale. Quelque peu inquiète, je ne cesse de leur répéter à la moindre piqure «Tot stéril?». Rapidement mon corps s’endolorit, je leur demande néanmoins de m’endormir totalement. Les doses administrées ne suffiront pas. J’assiste malgré moi à mon opération, les bras attachés tremblants de manière convulsive, sentant les outils charcuter cette appendice mal positionnée et toute noire.

21h00 : Première nuit à l’hôpital

L’opération aura duré 2 heures au lieu de 45 minutes. Faute de moyens, Stan, Charlotte et Jessica s’improvisent brancardiers et me portent jusqu’à mon lit. Jusqu’à minuit, ils seront tour à tour infirmiers pour s’occuper de moi, ou sonnette d’alarme pour prévenir les infirmières lorsque je souffre trop. Dans les chambres dortoirs, il n’y a aucun moyen d’alerter le personnel soignant. Sans Charlotte, Jessica, Anda, Stan… je ne sais pas ce qu’aurait pu être cette première nuit et la suite, sans eux…je n’ose même pas l’imaginer.

Lundi 30 juillet

La journée dans le « mouroir »

J’ai 3 copines dans la chambre. On a intérêt à bien s’entendre parce que vue la distance entre les lits, c’est un peu comme si on dormait toutes ensemble. Et puis vue la chaise trouée qui trône dans la pièce, je comprends vite qu’il ne va pas falloir faire de manières. Tout au fond près des fenêtres, il y a une petite vieille qui à mon avis n’atteint même pas les 40 kilos toute mouillée. Elle ne bouge pas, ne parle pas. Je ne sais pas ce qu’il l’a poussée là, je ne sais pas combien de temps elle tiendra. A ces côtés, une autre vieille femme, corpulente cette fois. A intervalles réguliers, elle gémit de douleurs. A intervalles réguliers toujours, elle se lève, nous regarde avec son faciès livide et se dirige péniblement vers le trône. Par pudeur, je tourne la tête vers le mur et pose rapidement sous mon nez un mouchoir «sent-bon» que je me suis confectionnée. Il faudra attendre qu’une aide soignante daigne venir, pour évacuer la chaise. L’odeur persiste jusqu’à la prochaine selle.

A mes côtés, il y a une grand-mère adorable. Son unique défaut, elle ronfle de manière tonitruante. Contrairement aux autres, cette femme garde une certaine hygiène durant ce séjour à l’hôpital. Sa famille lui fera chaque jour sa toilette matinale. Ici le personnel est débordé, mal équipé et sans doute mal payé, alors la toilette est un luxe que l’on n’offre pas. Anda nous avoue que parfois il faut glisser un petit billet au personnel de service pour qu’il prenne soin de vous. Parmi les femmes qui travaillent ici, certaines se dévouent encore corps et âmes, l’autre moitié désabusée traine la patte et maugrée en travaillant.

Après les protagonistes, il faut planter le décor. Draps rapiécés, voire troués, toilettes communes désertées par les éponges mais pas par les cafards, repas servis à la louche dans des assiettes en métal, seaux de déchets contaminés dans le couloir… La liste serait longue à énumérer, aussi longue que celle des démarches et des efforts effectués pour que je sorte de là.

Mardi 31 juillet

15h34 : Sortie de l’hôpital

Comme souvenir du séjour, je repars avec une cicatrice de plus de 7 centimètres sur le ventre. En Roumanie, il y a véritablement de bons médecins mais que peuvent-ils faire sans de bons outils ?

Anna

* A voir : 4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu

Retrouvez les photos de Transylvanie sur Flickr.

3 Comments

  1. et ben ma cocotte! j’ai hâte de la voir, cette cicatrice de 7 cm de long!! à très bientôt!!?
    marianne

  2. oulà là!!! Quel courage !! Prend soin de toi, merci à Chacha et Stan et autres de t’avoir soutenu et j’espère que ce n’est plus qu’un mauvais souvenir… Mets de la crème sur ta cicatrice… Bisous, Ana

  3. ma pauvre Anna, rien ne te sera donc épargné !
    ça rappelle l’Egypte, non ?
    mesqiiiiiina tabaaaaana,
    bon courage pour la suite, et sûrement à un de ces 4,
    besitos
    emily